« Fais attention, Colette ! »

Elle avait entendu cette phrase toute sa vie « Fais attention Colette! »

À chaque virage de sa vie, c’était le même refrain…

Alors elle avait fait attention à tout.
À ses mots, à ses gestes, à ses choix.
À son apparence, surtout.
Toujours soignée, bien mise, parfaitement à sa place.
Mais une question commençait à gronder doucement :
Est-ce qu’en étant impeccable à l’extérieur, on finit vraiment par être plus heureuse à l’intérieur ?
Ou est-ce qu’on se contente de bien emballer ce qui reste fragile au fond ?

Mais franchement, à quoi était-elle censée faire attention ?

Colette est une femme comme tant d’autres.

Elle avait entendu cette phrase toute sa vie « Fais attention Colette! »

À chaque virage de sa vie, c’était le même refrain…

Enfant, adolescente, adulte.

Premier déménagement, premier job, premier amour.

Quand ce n’était pas sa famille, c’était au tour de ses amis.

Petite, dès que l’envie la prenait de sauter dans une flaque d’eau, son père dégainait rapidement le fameux : « Fais attention, Colette. » les jours plus froids, sa mère ajoutait sa petite touche : « couvre-toi, et fais attention, Colette. » au moment d’avoir son permis de conduire, c’était reparti pour un tour : à chaque démarrage, le « Fais attention » résonnait comme un klaxon bien huilé.

Quand Colette est tombée amoureuse pour la première fois, ses amies ont pris le relais : « Fais attention, Colette. » et le jour où elle a annoncé son départ pour paris — ce qui, pour sa famille, équivalait presque à une expédition en Amazonie — le mantra n’avait pas faibli d’un iota : « Fais attention, Colette. »

Mais franchement, à quoi était-elle censée faire attention ? À ne pas trop s’amuser ? A ne pas se tromper, à ne pas expérimenter, à ne pas grandir, à ne surtout pas vivre, peut-être ?

À 35 ans, Colette se trouve pile sur la route de la transformation. Révolution, c’est ce que son entourage préfère dire, probablement pour ajouter un peu de drame à l’histoire, mais elle, elle aime parler plutôt de transformation. Après tout, dans l’industrie, transformer, c’est passer de la matière brute au produit fini.  Où en était-elle vraiment ?

Colette, c’est une femme comme tant d’autres. Un pur produit de la génération Y, une « milléniale ». Il faut bien appartenir à une tribu, plaisante-t-elle, de peur de finir seule sur une île déserte sociale. S’identifier, se situer, dépendre de quelque chose ou de quelqu’un : c’est presque un sport national.

Enfant, elle jouait déjà la carte de la perfection : la petite fille modèle, la fierté de papa. Toujours tirée à quatre épingles : chaussures start rite vernies aux pieds, jupe plissée, chemisier bien repassé, et houppette savamment posée dans les cheveux. On aurait pu la confondre avec les gamins qui posaient dans les magazines. Ses parents ne lésinaient pas sur la qualité du vestiaire familial

Avec ses deux petits frères, tout le monde avait droit à la panoplie haut de gamme. Et aujourd’hui encore, impossible pour elle de sortir sans un minimum de tenue. De style comme disent les jeunes.

Cette obsession du détail lui a même valu quelques jugements secrets sur ceux qui, selon elle, laissaient filer un peu trop la vie : chaussures non cirées, cheveux en freestyle, chemisiers froissés… mais Colette commencer à s’interroger : est-ce que cette soi-disant perfection l’a rendait vraiment heureuse ?

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Les choix que l’on fait, et ceux qu’on tait.